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Pourquoi pleurer ?
Ô Fred !
Pourquoi nous demander d’écrire sur le temple des pleurs ?
les larmes me sont venues en écrivant
j’ai pleuré d’avoir à pleurer au lieu de rire
Je suis sortie de chez moi
J’ai marché jusqu’au cours Julien
J’ai tourné autour de la fontaine en pleurant dans mon coeur
Il y avait un amandier en fleurs
sa beauté m’a fait pleurer
J’ai vu des jeunes filles assises en ronde par terre
Leur jeunesse m’a fait pleurer
J’ai rencontré Jackedish le chanteur de l’île Maurice
Je lui ai dit que j’étais triste depuis la mort de Sam
Il m’a dit qu’il ne fallait pas réfléchir
Mais il me faut écrire sur le Temple des pleurs
il le faut, et cela me fait pleurer
Description de mon Temple des pleurs
Je suis invitée à l’inauguration du Temple des pleurs
Un grand dôme blanc, d’une pureté translucide
érigé devant le Parlement des menteurs
avant d’entrer des professionnelles
vous souhaitent la bienvenue en pleurant
Savez-vous pleurer fort demandent-elles,
sinon vous n’entrez pas
Oui, pleurer, je sais
J’ai pleuré sur les morts que j’ai aimés
Mon mari Francis
Mon père Prosper
Ma mère Allegria
Ma sœur Paula
Mon amie Annie
Mon amant Philippe
Notre copine Sam morte il y a quelques jours à peine
le 8 février 2024
Et tant d’autres que je ne connais pas
Après elle, je l’apprends à peine
Jean est mort le 10 mars
Jean Priol qui dans sa généalogie au cap Sizin en Bretagne
Avait trouvé que ses ancêtres depuis le XVIe siècle
s’appelaient tous Jean Priol : Jean Baptiste, Jean Marie, Jean Pierre mais toujours Jean
Depuis cinq siècles !
Tous ces Jean morts pour arriver jusqu’à lui qui n’a pas eu de fils !
Tant de pleurs pour écrire aujourd’hui sur le temple des pleurs
où je ne veux pas pleurer parce qu’il y aurait trop de larmes à verser
sur tous les enfants tués sans cesse dans toutes les guerres que je ne veux pas énumérer
sur les esclaves transportés, sur les ouvriers exploités, sur les femmes humiliées
Pleurer sur les forêts dénudées, sur les champs muets, sur la terre stérile
Je pleure de pleurer dans ce temple construit pour recueillir nos larmes
On y entre par une arche en bois haute et large
une cour centrale bordée de niches ouvertes
Prêtes à recevoir pleureuses et pleureurs en petits comités
éloignés de la foule agrégée dans la cour
Niché ou en foule, rien à cacher
Tout le monde voit tout le monde
Toutes les larmes coulent dans la même rigole
Dans le même ruisseau circulaire, jamais asséché
Je suis venue pleurer à vos côtés, pleurer ensemble, dans ce temple mouillé
Epargnez-moi si mes yeux sont secs.
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