Michèle Bitton

Travailler

J’ai travaillé tard dans la nuit du lundi 20 au mardi 21 mai 2024 pour écrire un texte sur mon ordinateur, j’ai éteint l’écran et ouvert la fenêtre. La rue du Loisir n’est jamais sombre, un lampadaire portant une caméra fait face à ma fenêtre. Il est deux heures du matin, les voitures sont rares, les prostituées plus nombreuses. Une voiture s’arrête à l’angle de la rue Saint-Savournin, sous la vierge l’enfant, l’homme baisse sa vitre, il s’adresse à la fille. Que lui dit-il ? Je n’entends pas, j’imagine ; sans doute un échange trivial, tant mieux si je n’entends pas. La fille monte dans la voiture ; ils s’en vont, elle va travailler. Vide et silence dans la rue du Loisir. Je lève les yeux au ciel, je cherche une étoile, aucune étoile, en ville le ciel est vide, désespérément vide, aucun signe, aucune constellation. J’entre dans mon lit, je ferme les yeux et je revois le ciel étoilé qui me fascinait la nuit à la campagne lorsque j’étais agricultrice et que j’allais fermer le poulailler.

Chronomètre

Longues ou courtes, mes nuits et les vôtres sont à durée variable. Combien de temps dure une nuit ? Le temps du sommeil, le temps sans soleil ? Des temps qui ne coïncident pas toujours, vous le savez vous qui dormez le jour et éclairez la nuit.

Dans le calendrier laïc, un nouveau jour commence à la nuit noire, à 0 heures 1 seconde : ma fille est née le 13 juin à minuit un quart, à l’état civil sa date de naissance est le 14 juin à 0 heures 15.

Dans le calendrier juif, un nouveau jour commence à la nuit : le chabbat commence vendredi soir à l’apparition de la première étoile, et se termine le samedi soir à l’apparition de la première étoile. Mais où apparaît-elle cette étoile et qui la voit ? En ville, on ne voit pas les étoiles, tout le monde le sait et je l’ai déjà dit.

Religions, croyances aveugles, calculs, conventions, le temps ne nous appartient pas ; on l’a fixé pour nous et nous nous y plions ; nos calendriers, nos agendas, nos anniversaires, nos montres, nos téléphones y obéissent et nous leur obéissons.

Seul compte le temps passé, le temps vécu, le temps inscrit dans les profondeurs de notre chair et de notre cœur où sont enfouies nos douleurs et nos joies.