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Sous la coupole du ’Djamaa’ il y a un lieu sans fenêtre, sans lumière, uniquement barré
par une énorme porte. Une porte qui porte le poids des ans et surtout des siècles.
Son bois est épais, de gros rivets de métal plantés sur la surface lui donnent un aspect de
muraille. Enfant je me demandais ce qu’il y avait derrière cette barrière.
Après avoir ôté deux immenses barres de fer, je tourne la vielle clef rouillée placée dans la serrure. Je tire énergiquement sur la poignée, les gonds grincent, j’arrive à entrevoir la clarté de l’extérieur, à quelques mètres, le figuier de Mahfoud.
La cloche sonne, nous nous précipitons tous en direction du portail. Un portail simple, modeste sans fioritures, peint en vert bouteille, avec à son sommet une rangée de pointes, à l’attention des déserteurs ou des intrus. De toute façon, ses parois sont lisses et sa hauteur est dissuasive. L’impasse qui mène à lui, n’a pas de nom, mais la rue de la Méditerranée n’est pas loin, juste là, à quelques pas.Certains d’entre nous enfourchent leur vélo, leur cyclo, je pars à pied.
La barrière en bois, entrelacée de fil de fer barbelé, glisse sur ses roues de caoutchouc.
Un seul homme suffit pour la manipuler, soudain cette porte semble abdiquer, une fois ouverte elle reprend son rôle d’objet banal.
Les hommes armés dans les guérites placées de chaque côté de la porte mobile ne réagissent pas, les fusils sont au repos.
Je sors avec le flot humain, puis on se met à hurler : ...’zéroooooo !!!!’
La sirène retentit, les hauts parleurs crachent des ordres brefs et précis :
’astreinte, astreinte, astreinte !!!’
Les hommes du poste de garde ont déjà fermé le portail.
Le portail gris que l’on aperçoit depuis le fond de l’allée centrale.
Un portail robuste, sobre, sans fer forgé, composé de deux parties, sans roulettes, les solides charnières suffisent à consolider la masse métallique.
Nous sommes habitués aux astreintes soudaines, depuis avril c’est la quatrième fois.
Le jour décline doucement, nous ne voyons plus l’extérieur, nous entendons seulement le bruit de la circulation et apercevons au-dessus du portail gris les croix du cimetière.
Enfant j’ai essayé plusieurs fois de coller mon visage contre le carreau de la seule porte fermée du premier étage.
J’ai demandé à Mohamed et à Dalila de regarder aussi, mais ils n’ont rien vu non plus.
J’ai manipulé la poignée blanche en bakélite sans succès, j’ai cherché en vain une fente, un trou, un interstice dans le bois blanc de la porte.
L’opacité du verre s’opposait à toute intrusion visuelle.
J’ai tant attendu pour pousser cette vieille porte de bois brut et sombre.
Le haut, mais aussi le bas sont usés, érodés par l’humidité et le passage.
Cette porte reste entr’ouverte, fatiguée d’avoir été trop souvent manipulée.
Autrefois je n’aurais jamais osé la défier, la pousser et descendre dans les entrailles de la maison.
Aujourd’hui je décide de l’affronter, je pousse la porte, elle résiste quelques secondes,
aidée par ses charnières d’un autre âge.
Je descends l’escalier aux marches usées et déformées menant au bain turc.
J’accède à un patio sous terrain, obscur, mes yeux s’habituent lentement à la lueur provenant d’une entaille dans la pierre.
Le carrelage, la cheminée, les bassines, les gargoulettes les brocs, tous recouverts de poussière.
Colas Baillieul
Marion Agostini
Marie-Laure Gerin
Michel Maury
Michèle Bitton
Ysabel Bels
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